« L’impact investing », la démarche la plus aboutie de l’investissement responsable, par Cédric Nicard
Apparue en 2007 à la suite de la crise financière, la notion d’impact investing gagne en popularité auprès des acteurs financiers, et plus particulièrement des gestionnaires d’actifs. Cette démarche, qui souffre encore de l’absence d’une définition consensuelle et de méthodologies partagées par l’ensemble du monde de la finance, constitue aujourd’hui la forme la plus mature de l’investissement socialement responsable (ISR).
« Impact investing » : depuis quelques années, cette terminologie est dans la bouche de tous les acteurs financiers, en particulier des gestionnaires d’actifs. Au cours de la période récente, le marché a en effet vu fleurir un nombre croissant de fonds ou de stratégies d’investissement se revendiquant de l’investissement d’impact (ou « impact investing »). Pourtant, l’impact investing pâtit encore d’un manque de notoriété voire d’une certaine incompréhension. Et pour cause. Cette notion souffre de l’absence d’une définition consensuelle ou du moins stabilisée. Résultat : chaque investisseur et chaque gérant fixe sa propre définition et ses propres contours de l’impact investing au risque de voir le concept perdre son identité et, donc, d’être galvaudé.
Une démarche sophistiquée
Plus qu’un effet de mode, l’investissement d’impact est une véritable tendance de fond. A fin 2017, selon des chiffres d’Eurosif[1], il représentait 108 milliards d’euros d’encours. Apparu en 2007 à l’issue de la crise financière, son objectif est double : d’une part, il vise à générer des impacts sociaux et environnementaux positifs au-delà du rendement financier et, de l’autre, à mesurer la réalisation de cet objectif et d’en rendre compte de manière la plus transparente possible. A ce titre, l’investissement d’impact constitue l’approche la plus mature et la plus sophistiquée de l’investissement socialement responsable (ISR). Il ne s’agit plus d’adopter des politiques d’exclusion de secteurs d’activités ou d’entreprises ni de se contenter d’intégrer des facteurs environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG) dans l’analyse financière des entreprises. Aujourd’hui, le principal enjeu est d’être en mesure d’évaluer l’impact, social comme environnemental, de toute sa démarche d’investissement.
Sous l’effet de la réglementation, à l’image de l’article 173 de la loi sur la transition énergétique de 2015, cette mesure d’impact est devenue cruciale pour tout investisseur. Elle est nécessaire pour renforcer la crédibilité de toute démarche ISR ou ESG. Dire qu’on fait de l’investissement responsable ne suffit plus. Encore faut-il être en capacité de le prouver et d’en démontrer les conséquences positives d’un point de vue social, sociétal et environnemental.
Disposer des bons indicateurs de mesure
Cette mesure d’impact est une réponse concrète à la nécessité de vulgariser l’ISR et de rendre cette démarche accessible au plus grand nombre. Elle participe également à une plus large diffusion des bonnes pratiques. Pour ce faire, il est donc impératif de disposer de bons indicateurs quantitatifs comme qualitatifs pour évaluer ses investissements verts ou responsables. C’est justement sur ce point que le bât blesse. De fait, l’évaluation des impacts sociaux et environnementaux positifs s’avère particulièrement complexe. La faute, en partie, à l’absence de méthodologies standardisées ou d’indicateurs partagés par tous. Tout l’enjeu de l’impact investing réside donc dans la sélection des critères et des indicateurs pour mesurer l’impact des investissements. Bien choisir ses outils de mesure constitue également une impérieuse nécessité.
Adoptés en septembre 2015, les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) de l’Organisation des Nations Unies font aujourd’hui office de cadre de référence pour mesurer l’impact des investissements financiers. Dans le secteur immobilier, l’enjeu réside dans la faculté des investisseurs et des gestionnaires d’actifs spécialisés à transposer ces ODD à leurs différentes opérations immobilières. Avec un objectif : parvenir à créer un indicateur générique.
Un enjeu de performance et de rendement
Pour autant, l’investissement d’impact ne peut pas et ne doit pas être considéré comme une démarche philanthropique ou altruiste. Véritable activité financière, cette approche vise clairement un objectif de performance et de rendement financier pour l’investisseur, tant institutionnel que particulier. Penser que faire de l’investissement socialement responsable ou de l’impact investing signifie s’asseoir sur un rendement financier significatif est une idée reçue qu’il faut clairement battre en brèche.
Ce constat est particulièrement criant dans le secteur immobilier qui présente un atout de poids : celui de se reposer sur un actif ayant, d’une part, une forte vocation économique et sociale et, de l’autre, un impact environnemental important en raison de son importante consommation d’énergie et de ressources naturelles de la construction jusqu’à l’exploitation dudit bien immobilier. Tout investisseur immobilier doit donc être en mesure de conjuguer à la fois une vision militante de son investissement – à travers l’évaluation de son impact social et environnemental – et un prisme financier dans une optique de génération de rendement.
Mais pour que la mesure de l’impact soit pertinente dans le secteur immobilier, encore faut-il être capable de prouver qu’un bien immobilier peut avoir un impact social et/ou économique fort au niveau local : lutte contre l’hébergement insalubre, création d’emplois et de logements dans des zones tendus ou encore réduction des inégalités. La mesure de l’impact doit donc être en adéquation avec des enjeux locaux ou des enjeux spécifiques aux différents territoires. Elle doit également être pensée en cohérence avec l’ensemble des parties prenantes (investisseur, gestionnaire d’actifs, bailleur, promoteur, voisinage, municipalité…).
Dans le secteur de l’immobilier, la mesure de l’impact constitue donc à la fois une bonne manière d’optimiser le rendement financier du bien immobilier et un solide outil de maîtrise des risques. Faire du sur-mesure est également indispensable afin de caler ses outils de mesure d’impact sur chaque opération immobilière en fonction de son environnement. Il est enfin nécessaire d’avoir des indicateurs bien spécifiques pour mesurer nos réponses aux enjeux de revitalisation des centres villes ou encore la protection de la biodiversité. A charge désormais aux investisseurs et aux gestionnaires d’actifs immobiliers de déterminer un socle commun partagé par tous et des outils de mesure et de reporting les plus standardisés possible.
Par Cédric Nicard, Directeur du développement durable d'Horizon AM
[1] Eurosif : European Sustainable Investment Forum ou Forum Européen de l’Investissement Responsable