Grand Paris : les petits ruisseaux font les grandes rivières
Les débats autour de ce projet ne doivent pas faire oublier que la nouvelle agglomération ne se résume pas à de grands chantiers urbains. Elle se fait également à travers des projets à taille humaine qui permettent de valoriser l'existant.
Les débats autour de ce projet ne doivent pas faire oublier que la nouvelle agglomération ne se résume pas à de grands chantiers urbains. Elle se fait également à travers des projets à taille humaine qui permettent de valoriser l’existant.
Lancé par Nicolas Sarkozy en 2008 à l’échelle de l’agglomération parisienne, le Grand Paris est un projet pharaonique. Il doit permettre à notre Capitale de retrouver une attractivité et de se hisser au niveau des plus grands pôles économiques mondiaux comme Londres, Berlin, New York ou Shanghai, tout en améliorant le cadre de vie des habitants, en corrigeant les inégalités territoriales et en construisant une ville durable. Afin d’atteindre ces ambitieux objectifs, il est prévu de doubler la taille du réseau métropolitain actuel en construisant 200 kms de voies supplémentaires pour mieux couvrir la banlieue de la ville et créer des interconnections. De grands projets immobiliers et urbanistiques doivent également façonner l’agglomération pour une meilleure qualité de vie.
Si personne ne remet en cause l’utilité d’un tel projet, sa mise en œuvre paraît plus laborieuse. En effet, dix ans après son lancement, force est de constater que des pans entiers du Grand Paris restent incertains. En premier lieu, l’organisation administrative d’une telle agglomération. En effet, le projet semble davantage engendrer aujourd’hui de complexité principalement liée à la susceptibilité des différentes collectivités concernées. Les pouvoirs publics doivent donc se résoudre à trancher si elles ne veulent pas que le projet soit étouffé par le mille-feuille administratif. Autre sujet d’inquiétude, le financement du Grand Paris Express, le nouveau réseau de transport devant être achevé en 2030. L’estimation de son coût a été plusieurs fois revu à la hausse, passant de 22 milliards d’euros en 2010, à 26 milliards début 2017, puis 35 milliards l’été dernier.
Les débats autour du Grand Paris ne doivent pas faire oublier que la nouvelle agglomération ne se résume pas à de grands chantiers urbanistiques. Elle se fait également à travers des projets à taille humaine qui permettent de valoriser l’existant et il y a fort à faire sachant qu’il n’y a pas moins de 20 millions de m2 (bureaux et logements vacants) inoccupés en Île-de-France. Ce terreau est déjà exploité depuis quelques années par des acteurs spécialisés qui, à l’instar de Monsieur Jourdain avec la prose, font du Grand Paris sans le savoir. Proches du terrain, ils sont plus à même d’utiliser l’existant pour répondre concrètement à une demande qui s’exprime localement. Car l’un des objectifs du projet est d’améliorer la qualité de vie des habitants, à travers notamment une plus grande facilité à trouver des logements dans des zones bien desservies par les transports. De nombreuses initiatives peuvent y contribuer, à commencer par la transformation de bâtiments tertiaires en logements. Il en va ainsi de la délocalisation de centres de tri de La Poste qui laissent libres des locaux idéalement situés en centre-ville et réversible en logements après une légère réhabilitation. De même, l’optimisation du foncier offre de grandes perspectives. C’est par exemple le cas de la surélévation des immeubles existants ou de la meilleure utilisation du foncier souvent sous-exploité dans les résidences pavillonnaires.
Ces projets à taille humaine apportent une réponse tant aux besoins économiques que sociaux de la population de l’agglomération. Ils permettent également d’instiller une mixité à travers une part dédiée aux logements sociaux. Cette mixité est d’autant plus importante que les populations les plus faibles doivent, encore plus que les autres, résider à proximité des centres-villes ou des zones économiques, car là se trouvent principalement les emplois non qualifiés. Mais la création de logements sociaux ne suffit pas. Ces projets répondent également à une demande qui est jusque-là largement ignorée. En effet, une partie de la population éligible aux logements sociaux possède en fait les moyens d’accéder à la propriété à condition que cela se fasse dans un budget limité, il faut donc leur proposer de petites surfaces à des prix maîtrisés.
Les possibilités ne manquent donc pas en Ile-de-France. Pour peu que les blocages soient levés. Ils sont souvent d’ordre politique ou administratif. C’est peut-être par là qu’il faut commencer pour donner vie au Grand Paris.